Tunisie : Peut-on parler aujourd’hui d’industrie du gaming ?

Dans le cadre des évènements organisés en marge de l’ICT4ALL 2015, INTILAQ (fond d’investissement qui regroupe l’opérateur Ooredoo, Microsoft Tunisie et le QFF) a organisé  mardi 17 novembre 2015 à Hammamet, une journée sur le thème : «Industrie du Gaming en Tunisie, Challenge et opportunités».

A l’ouverture de l’évènement, les dirigeants des entreprises citées précédemment ont pris la parole pour insister sur l’importance -en termes de rentabilité et de marges de croissance- de l’industrie des jeux vidéo dans le monde. «Le jeux vidéo d’aujourd’hui n’est plus uniquement un jeu. C’est un style de vie et de consommation. Vu la rentabilité de ce secteur, plusieurs investisseurs et fonds d’investissement ne demandent qu’à investir dans ce domaine» a déclaré le Président Directeur Général d’Ooredoo Tunisie, Ken Campbell.

De son côté, le Directeur Général de Microsoft Tunisie, Mohamed Bridaa, a présenté les chiffres réalisées par l’industrie des jeux-vidéo dans le monde : «Aujourd’hui ; cette industrie a réalisé 100 milliards de dollars de chiffres d’affaires. Savez-vous que 75% des revenus d’AppStore et 90% des revenus de Google Play proviennent de la vente des jeux-vidéo ?». Il a, par la suite, affirmé la volonté de son entreprise à suivre l’évolution de l’industrie des jeux-vidéo en proposant bientôt le Cloud Gaming.

Durant la conférence, l’expérience de Malte a été mise en exergue. Dans ce petit pays à l’extrême sud de l’Europe, 10 mille personnes vivent de l’industrie des jeux-vidéo alors que le pays n’en compte que 500 mille habitants. Grâce à une politique d’Etat, Malte s’est munie d’un cadre légal nécessaire pour développer l’industrie des jeux-vidéo et est devenue en quelques années un Hub important du gaming dans le monde.

En Tunisie, le chemin vers le développement d’une industrie pareille reste long. Plusieurs intervenants dans le secteur (et notamment les CEO des entreprises de développement des jeux-vidéo qui se comptent sur les doigts d’une seule main) ont évoqué les difficultés rencontrées lors du recrutement des compétences nécessaires. «Il n’y a pas des personnes qualifiées en Tunisie pour faire des jeux vidéo. Aucune école ni université publique ou privée ne propose une formation de créateur de jeux-vidéo. Nous avons du mal à avancer alors que dans les autres pays tout est prêt», s’est plaint un membre de l’association Tunisia Game Developpers.

Tunisie : Peut-on parler aujourd’hui d’industrie du gaming ?

D’autres directeurs de Startup ont mis en cause l’écosystème en Tunisie. Selon-eux, cet écosystème ne permettra jamais la création d’une industrie du jeux-vidéo en Tunisie au sens propre du terme. «Il faut être sérieux ! Avant de parler d’ «industrie», il faudra faire un état des lieux. Nous n’avons aucune statistique fiable.  Comme le nombre de Smartphones en Tunisie»,  a affirmé, non sans frustration, Haroun Gharbi, CEO de Polysmart et Président de l’association Tunisian Association of Gamers.

Présent également à la journée de l’industrie du Gaming en Tunisie, le directeur exécutif du projet «Smart Tunisia», Elyes Jribi, a déclaré, pour sa part, que développer une industrie des jeux-vidéo en Tunisie fait partie de ses objectifs. Smart Tunisia est, en effet, un projet chapoté par le gouvernement tunisien et qui s’inscrit dans la stratégie nationale «Tunisie Digitale 2020». L’objectif de ce partenariat inédit entre public et privé est la création de 50 mille emplois en 5 ans.

Elyes Jribi a précisé que l’industrie des jeux-vidéo stimulera la création de différents métiers, ce qui va mener à la segmentation du marché du travail. Néanmoins, M. Jribi s’est posé la question si on disposait assez de talent en Tunisie pour mettre en place des jeux-vidéo capables de sortir du lot à l’instar de jeux les plus connus tel que «Candy Crush Saga» ou «Clash of Clans».

Reste que parler d’«Industrie» du gaming en Tunisie semble prématuré, d’après Walid Midani, CEO de Digital Mania (une startup tunisienne spécialisée dans les jeux vidéos et qui s’exporte à l’étranger). Pour lui, et à la lumière de ce qui se passe dans le pays, les rares entreprises de développement ont survécu uniquement grâce aux services.

De cette journée une évidence semble mettre d’accord l’ensemble des intervenants à savoir que le système éducatif actuel en Tunisie ne permet pas le développement des compétences nécessaires pour la mise en place d’une industrie du gaming. La réponse à cette urgence pourrait être trouvée dans le projet Smart Tunisia qui sera lancé officiellement dans les jours à venir. L’Etat tunisien offre un ensemble d’avantages aux entreprises souhaitant adhérer au projet en l’occurrence les startups de développement des jeux-vidéo.

Une autre solution semble plus logique et beaucoup plus rentable sur le long terme. A savoir, la réforme ou la refonte totale du système éducatif afin de mettre sur le marché des personnes compétentes aptes à occuper immédiatement leurs postes.

                                                                                                                                                            Amine Bouneoues